Pour échapper à une destinée prisonnière de ses origines
Si le triptyque républicain a besoin d’incarnations, il l’a trouvé avec ceux qui peuvent en témoigner. Le projet Voir large et loin, porté par la section Paris 13, s’engage à briser les plafonds de verre et favoriser l’égalité des destins. La méthode : intervenir auprès des jeunes en les encourageant à croire en eux-mêmes. L’initiative vient d’être labélisée L’Honneur en action.
Le responsable d’une institution de la république ne devrait pas dire cela... c’est pourtant ce qu’a entendue Marie Agam-Ferrier lorsqu’elle a intégré l’École nationale d’administration, de la bouche même de son directeur : “Madame, compte tenu de votre origine modeste, j’espère que vous n’imaginez pas faire partie des cinquante premiers”... Heureusement, celle qui est aujourd’hui présidente de la section Paris 13, avait décidé, de “briser les déterminismes et d’ouvrir de nouvelles voies” en gardant toujours à l’esprit que tout est possible, à partir du moment où “ on s’interdit de s’interdire ”, quitte à aller là où on ne nous attend pas... et surtout, de le faire savoir. C’est sans doute là l’origine lointaine de ce projet Voir large et loin, qui mobilisent des sociétaires venus conter leurs histoires, leurs déboires, mais surtout leurs victoires.
Parcours inspirants, efficacité de l’identification
Ainsi devant les élèves de primaire, Sylvaine Turck-Chièze, porteuse du projet, raconte qu’elle n’était pas prédestinée à devenir astrophysicienne, sa famille n’étant pas scientifique, à une époque où être femme en science n’était pas évident, tout comme aujourd’hui.
Chantal Loïal dépeint comment, enfant de la Ddass de ses 8 à 21 ans, elle a su être à la hauteur de ses ambitions pour devenir une chorégraphe autodidacte qui a fait le tour du monde.
Marie Agam-Ferrier, fille d’immigrés espagnols, si elle n’était pas attendue à l’ENA, est bel et bien devenue haut-fonctionnaire. Des témoignages forts qui luttent “contre toutes les assignations” et démontrent qu’une porte apparemment fermée n’est pas forcément verrouillée.
Carole Caron, professeure des écoles partenaire de l’évènement, et qui met en place depuis plusieurs années des projets d’intervention, a tout naturellement rejoint le projet de la SMLH, malgré l’organisation que cela représente. Elle aussi constate qu’il permet d’inspirer les élèves, et susciter chez eux les confiance et volonté renouvelée, sentiments précieux pour réussir. “L’identification jeune à l’adulte qui a réussi, malgré les obstacles sociaux, est très important parce qu’il fait directement appel à l’affect”.
Des options qui sont là mais qu’ils ne peuvent voir
Car la première assignation, c’est celle de son milieu. C’est en tout cas le constat que tirent les membres du projet, confirmé par des siècles de sociologie, qui ont fait de la France la nation pionnière dans le domaine. L’origine sociale occupe une place déterminante sur la trajectoire des Français, quels qu’ils soient. Les Trente Glorieuses avaient
donné l’illusion qu’un American dream à la française était en marche. Pourtant, de nombreuses études prouvent les difficultés de la France à garantir l’égalité des chances.
Face à ce constat fataliste, les légionnaires veulent incarner un contre-discours. Sans nier l’état de fait, ils défendent “la détermination à toute épreuve”. Ils parlent aux jeunes pour “montrer des options qui sont là mais qu’ils ne peuvent pas voir”. Ils les incitent à avoir le courage de rêver plus haut que les plafonds de verre qui leur sont imposés. Les élèves doivent assimiler qu’un échec n’est pas une damnation mais au contraire un encouragement “à surmonter des obstacles qui semblent infranchissables”.
Diversité des chemins empruntables
L’école de la République est un fleuron de l’innovation intellectuelle française. Pourtant, celle qui est définie comme laïque, obligatoire et gratuite, rencontre des défis majeurs. En France, la transmission des savoirs est héritière d’un modèle ancien et ancré. Révolutionnaire à l’origine, et longtemps référence mondiale, elle se confronte à des bouleversements sociétaux qui la fragilisent. Les légionnaires notent que “les enfants apprennent mais ne savent pas vraiment pourquoi”.
La diversité des chemins empruntables n’est pas visible pour ces jeunes, qui se retrouvent souvent prisonniers de statu quo. Les interventions des légionnaires sont destinées à les motiver à avancer mais aussi à “donner du sens à l’apprentissage”, considérée comme l’une des autres voies vers l’excellence, qui met aussi en valeur le facteur humain. D’où l’intérêt de ces interventions dans les établissements scolaires, inspirantes et éclairantes, susceptible d’ouvrir de nouveaux horizons aux plus jeunes. La tâche ne manque pas, la détermination de nos légionnaires non plus...
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